Quelques remarques préalables pour les lecteurs rapides (il s’en trouve parfois):

  1. Ceci n’est pas un texte pour réclamer l’abolition de la Monarchie ou l’instauration d’une monarchie protocolaire en Belgique. Ces deux sujets d’importance secondaire –  au regard des enjeux planétaires contemporains – ne sont pas abordés dans cet article qui traite de théorie politique.
  2. Si ces mêmes lecteurs rapides continuent de me lire,  je précise pour être tout à fait clair qu’il est, à mes yeux, parfaitement possible d’être républicain et de s’accommoder d’un système de monarchie constitutionnelle, comme c’est le cas en  Belgique.
  3. Il est tout aussi possible d’être républicain et ne pas cultiver la moindre sympathie, ni pour le parti américain du même nom, ni pour le modèle politique français, du moins celui qui domine l’histoire de France depuis plus de deux siècles et qui a en grande partie contribué à bloquer la démocratie française, sans doute davantage que la démocratie belge, n’en déplaise aux Belges qui souhaitent le rattachement du royaume de Belgique à la France.

En somme, on peut très bien, par exemple, être républicain et anti-nationaliste, républicain et monarchiste tempéré, républicain et musulman, et surtout, républicain et écologiste… Oui, certes, mais alors pourquoi s’acharner à agiter cette étiquette qui semble au fond faire si peu de différence ?

 

Le couple infernal écologie-démocratie

Mon intérêt pour le républicanisme commence par mon travail sur l’histoire d’Ecolo. Le point de départ de ma réflexion est de comprendre comment les deux idées de base que l’on retrouve dans tous les partis verts ont évolué au sein d’Ecolo et comment cette évolution peut d’une certaine manière rythmer les grandes époques de son histoire. Ces deux idées, comme des politologues[1] l’ont bien montré et comme André Gorz a génialement décrit leur interaction dans un des articles les plus pénétrants sur l’écologie politique[2], c’est d’une part, la démocratie et la participation citoyenne comme objectifs à part entière – et d’autre part, en gros, ce que les francophones appellent l’écologie et que les anglophones désignent par « environmentalism ». Peu de personnes se sont cependant posé la question de savoir pourquoi ces deux exigences étaient associées et quelles conséquences cela pouvait avoir sur l’action des partis verts. A l’origine, elles étaient pourtant clairement interconnectées,  par exemple, dans la combinaison entre le fédéralisme (intégral) et l’écologie, comme revendiquée aux origines d’Ecolo. Pas de fédéralisme intégral sans écologie, pas d’écologie sans fédéralisme intégral, disait-on chez les écolos jusqu’au début des années 1980[3].

Mais progressivement, si elles ont continué à être présentes dans les partis verts, leur lien a été de moins en moins explicité, jusqu’à carrément se distendre.  Ecolo est resté à la pointe de la lutte pour la transparence et la participation citoyenne mais sans que cela soit explicitement rapporté à ce qu’on appelle aujourd’hui la transition écologique.  Pour donner un exemple de cette évolution, il suffit de constater que le programme institutionnel d’Ecolo (un aspect de la démocratie) est rédigé de manière complètement distincte du volet relatif à la transition écologique, sans que cela résulte d’ailleurs d’une intention délibérée quelconque.

Cependant, bien qu’Ecolo, comme d’autres partis verts, ait très fortement adapté son système démocratique en fonction des contraintes découlant de sa présence consolidée dans la démocratie représentative, il a conservé, comme presque tous les partis écologistes, les traits d’un « parti-centaure », combinant un fort pouvoir des militants (ce qui le distingue des partis de masse et qui fait que les partis verts présentent des rapports très bas entre leur nombre de membres et leur nombre d’électeurs) et l’émergence d’un appareil de plus en plus professionnalisé.

 

Le retour du débat sur la démocratie écologique

Depuis quelques années, le lien entre ces deux pôles est progressivement redevenu un objet de débat – on l’a un peu vu à l’occasion de la discussion sur le nouveau manifeste d’Ecolo – sans doute parce que les critiques à l’égard de la capacité de la démocratie représentative à intégrer le souci du long terme deviennent de plus en plus fortes. Sans doute également, parce que les Verts, surtout quand ils sont dans les gouvernements, font aussi l’expérience que les outils de concertation qu’ils ont contribué à mettre en place peuvent se retourner contre la transition écologique, par exemple lors de l’installation d’éoliennes…

Mais ce débat est aussi mené par des théoriciens de l’enjeu écologique qui interrogent la compatibilité de la démocratie représentative avec les objectifs de durabilité. Ce fut récemment le cas dans le monde francophone avec le livre de Dominique Bourg et Kenny Whiteside « La Démocratie écologique »[4] et bien avant cela, dans le monde anglo-saxon avec un certain nombre d’auteurs comme John Dryzeck et Robyn Eckersley[5]. Les premiers ont mis en évidence les causes structurelles de la difficulté des démocraties représentatives à intégrer le souci du long terme. Ils ont proposé d’y remédier par une réforme constitutionnelle associant notamment des organisations environnementales dans la représentation des intérêts de l’environnement. Les auteurs anglo-saxons ont, eux,  cherché à mettre en application les travaux d’Habermas sur l’agir communicationnel aux questions écologiques. Dans « The Green State », l’Australienne Robyn Eckersley a notamment tenté d’établir comment l’action de l’Etat pouvait être réformée de manière à intégrer les signaux et les informations envoyés par les écosystèmes naturels. Un des derniers livres de cette galaxie a été rédigé par John Barry, conseiller communal vert à Belfast en Irlande du Nord et par ailleurs professeur de sciences politiques à la « Queen’s university » de cette même ville[6]. Le travail de Barry est fortement marqué par son expérience politique qui lui a appris que la politique était ce que Max Weber appelle « un effort tenace et énergique pour tarauder des planches de bois dur »[7].  Dans son engagement politique, Barry a pu concrètement expérimenter à quel point il était difficile de mener des réformes dans un sens écologique. L’erreur que nous avons peut-être commise, pense-t-il, c’est que nous nous sommes trop concentrés sur la question de savoir ce que serait une société soutenable (sustainable, au sens du développement durable) et pas assez sur ce qui nous coinçait dans les politiques actuelles qui sont littéralement « insoutenables » (unsustainable).

 

Le catastrophisme, complice involontaire de la non soutenabilité

Barry partage jusqu’à un certain point l’analyse du politologue allemand Ingolfur Blühdorn[8] qui a forgé le concept de « politics of unsustainability », selon lequel la plupart des hommes politiques ont beau clamer leurs préoccupations écologiques, ils agissent pour maintenir le fonctionnement actuel, parce qu’au fond, leurs électeurs le leur demandent secrètement. Ceux-ci veulent qu’on leur donne l’impression que les gouvernements agissent, mais en réalité, ils ne veulent surtout pas qu’ils passent vraiment à l’acte et que cela ait de réelles implications sur leur mode de vie. Un peu selon la maxime de Saint Augustin : « donne-moi la chasteté et la continence, mais ne m’accorde pas immédiatement ce que je demande ». Le projet intellectuel de Blühdorn est de décrire ce processus et les pratiques de simulacre qui l’accompagnent, notamment en s’inspirant des travaux de Jean Baudrillard. Mais là où Blühdorn affirme vouloir se placer sur le terrain descriptif de l’analyse des discours, Barry entend, lui, travailler sur les causes et examiner, sur un plan  prescriptif, les pistes qui permettraient de sortir de ce ces « politiques de la non soutenabilité ».

Barry ne récuse pas complètement toute la littérature catastrophiste qu’il conseille cependant non sans humour de lire en ayant auprès de soi « soit une lame de rasoir et/ou une bouteille de whisky, soit un livre religieux de son choix ». Il fait le relevé de toute une série d’auteurs ou de rapports qui, de Lovelock à Monbiot, nous garantissent l’effondrement écologique global, de manière plus ou moins rapide… Mais il doute très fortement de leur capacité réelle à mobiliser les foules. Partageant le diagnostic de Tim Jackson sur la nécessité de sortir de l’ère de la croissance, il soutient qu’on n’y arrivera qu’en présentant la vision positive d’une société meilleure et plus avancée : « une société dans laquelle l’innovation sociale est aussi importante que l’innovation technologique, où le temps commence à remplacer l’argent et les produits matériels, où la suffisance remplace la maximisation et où la sécurité économique pour tous remplace la croissance inégalement distribuée ». Le catastrophisme – aussi compréhensible soit-il, Barry n’est pas un climatosceptique, très loin de là – partage avec le discours expert une même survalorisation de la science qui peut se traduire, au pire par ce que Gorz a appelé très tôt l’expertocratie (dans les années 1970, il visait surtout le Club de Rome), au mieux par une dépolitisation préjudiciable de l’enjeu écologique.

Celle-ci se retrouve surtout chez ceux qui font d’abord confiance aux solutions techniques pour surmonter la crise écologique. C’est notamment le cas du sociologue anglais Anthony Giddens qui soutient l’idée que les partis verts sont inutiles parce que la question climatique transcende les frontières des partis. Cela peut faire plaisir aux sociaux-démocrates (on le sait, Giddens a été le maître à penser de Tony Blair), mais cela ne contribue pas à régler le problème, que du contraire ! En effet, dépolitiser les enjeux écologiques a pour premier effet d’empêcher le débat sur les modes de vie et les types de société qui permettront la  réduction de l’empreinte carbone globale de l’humanité. Mais surtout, le défaut majeur de ce discours est de nous verrouiller dans les politiques de la non soutenabilité,  en entretenant le mythe de la toute puissance humaine sur la nature. Au contraire, souligne Barry, ce dont l’humanité a le plus  besoin, c’est de prendre conscience de sa vulnérabilité, de sa dépendance radicale à l’égard des équilibres éco-systèmiques. Et c’est là que réside le premier point d’amarrage  avec le républicanisme.

 

Vulnérabilité et citoyenneté

Ceux qui se souviennent de leurs humanités latines et des discours de Cicéron contre Catilina se rappellent peut-être de la crainte exprimée par l’orateur de voir la république disparaître au profit de la Monarchie héréditaire… La peur qui hante les républicains, c’est la fin d’une république fragile, constamment menacée autant par  le désengagement de ses citoyens (la désertion civique) que par ses ennemis extérieurs ou intérieurs. Pour eux, cette perspective est tragique parce que seule la République permet l’exercice de la liberté à travers la politique. Comme l’a passionnément expliqué Hannah Arendt – une célèbre républicaine – c’est en s’engageant comme citoyen pour la chose publique que l’homme assure réellement sa liberté. Et quand il fait le choix de se retirer de la sphère publique, c’est toute l’humanité qui est privée de quelque chose de crucial, voire d’irremplaçable.

Aux yeux d’Arendt, les 19e et le 20e siècle, à travers l’apparition de sociétés de masse, ont remis en question un idéal citoyen situé dans l’Antiquité classique, même si celle-ci n’avait sans doute en réalité pas grand-chose de démocratique, du moins au sens où nous entendons la démocratie contemporaine. Comme l’a illustré en 1819 le penseur libéral Benjamin Constant, la liberté qui est garantie par les démocraties modernes, dites représentatives et libérales, est la liberté de ne pas faire de politique, de ne pas être dérangé dans sa sphère privée et singulièrement, pour le capitaliste, dans ses activités économiques, par quelque régulation publique que ce soit. Contre cette conception négative de la liberté, Arendt a fait valoir que la seule vraie liberté est celle que l’être humain réalise dans la recherche du bien commun, via l’engagement politique : c’est la liberté que l’on exerce collectivement.

 

La liberté comme non-domination

En 1997, un autre théoricien irlandais a renoué avec la tradition républicaine en donnant de la liberté une autre définition, non-civique, contrairement à Arendt[9]. Pour Philipp Pettit – dont Barry se réclame abondamment -, la liberté doit être définie comme absence de domination. Celle-ci peut être réalisée certes par l’engagement civique mais aussi par l’existence de biens publics forts (notamment de services publics d’enseignement ou de sécurité sociale) qui garantissent que les individus ne seront pas dominés, que ce soit par d’autres individus, par le marché ou par l’Etat[10]. Après la conscience de la fragilité, Barry identifie le refus de la domination comme un autre point commun entre la tradition républicaine et l’écologie politique.  Barry retourne en l’occurrence l’argument libéral de la « dictature verte » déployé contre les écologistes qui veulent endiguer le consumérisme et la marchandisation de toute chose. N’existe-t-il pas de domination plus forte que celle qu’exerce le consumérisme ? La liberté du choix du consommateur est-elle une vraie liberté ? N’est-elle pas forcément réductrice ? Un républicanisme vert doit, au contraire, permettre aux citoyens de se réapproprier leurs possibilités de choix de vie. Il doit être fondamentalement pluraliste : il ne doit pas défendre une norme unique de la vie bonne et il ne revient pas au politique de l’établir, même si les choix de consommation sont aussi des choix sociaux qui dépassent les individus. Pourvu qu’elles respectent l’exigence de justice, plusieurs conceptions de vie peuvent et doivent coexister dans une société écologique. Un républicain vert fera certes la promotion de modes de vie centrés sur la sobriété (l’auto-limitation), la participation sociale et politique. Mais il ne voudra pas l’imposer parce que cela reviendrait à contredire sa conception de la liberté comme absence de domination.

 

La résilience et la citoyenneté

La reconnaissance de la vulnérabilité des entreprises humaines et singulièrement celle des entreprises politiques comme la république, implique également de renforcer la participation sociale. C’est une idée que partagent actuellement les groupes de transition : la participation comme moyen de renforcer la « résilience » des communautés aux crises. A leurs yeux, le développement des liens locaux est bénéfique, que les catastrophes surviennent ou non… Et cela tombe bien, les solidarités concrètes peuvent (pas toujours cependant) favoriser non seulement le capital social, mais aussi la participation politique, dans la vie des institutions démocratiques. Un républicain ne peut donc que s’en réjouir.

Mais, toujours au nom de son refus de la domination, le républicanisme vert récuse également une approche communautarienne qui soulignerait en priorité les responsabilités des individus à l’égard des collectivités dont elles dépendent. Les communautariens (comme tenants du communautarisme politique, autre grand courant contemporain de la théorie politique) pourraient aussi être tentés de leur imposer une certaine conception de ce que doit être la vie bonne, comme on peut le voir dans certains appels du mouvement de la décroissance à confier aux communautés locales le soin de définir – fût-ce démocratiquement – les besoins légitimes de leurs membres. Mais pas  plus que le libéralisme, il ne serait en mesure de garantir le respect de la liberté comprise comme absence de domination.

 

Transitions et radical-démocratisme

Ayant identifié le verrouillage de nos sociétés dans les politiques de non soutenabilité, et en l’occurrence dans une conception de la prospérité non émancipée du besoin de croissance, Barry soutient donc que le républicanisme – et son insistance sur la citoyenneté et la non-domination – constitue un bien meilleur cadre théorique que le libéralisme ou le communautarisme pour nous aider à sortir de ce verrouillage. Barry suggère la mise en place d’un service civique (obligatoire) pour renforcer la citoyenneté écologique. Ce service – qui irait de pair avec une allocation universelle et/ou revenu de citoyenneté – impliquerait de prester diverses tâches écologiques et/ou sociales et pourrait s’étaler sur un an (après les études) ou sur quelques heures par semaine… C’est une des pistes concrètes qu’il avance pour traduire sur un plan institutionnel les valeurs républicaines qui seraient de nature à renforcer des politiques écologiques.

Parmi ces valeurs, outre la vulnérabilité et la résilience, le théoricien irlandais insiste avec raison sur l’importance de la conscience historique. Un républicain doit connaître de manière critique l’histoire de l’institution à laquelle il est attaché. Cette connaissance lui permet de comprendre les menaces qui pèsent sur elle et de mieux les combattre.  Elle l’aide aussi à comprendre la société au service de laquelle la république est mise.  Ce savoir est particulièrement utile en période troublée, comme ce début de XXIe siècle. L’idéal républicain est d’ailleurs toujours plus virulent aux moments de crise voire de basculements historiques,  comme l’illustre en ce moment le retour du radical-démocratisme dans le mouvement « Occupy » ou chez les « indignés », et généralement chez tous ceux qui réclament la démocratie réelle « hic et nunc » (ici et maintenant).

Ré-écologiser et donc re-démocratiser l’enjeu institutionnel

Restent trois questions qui pourraient être posées dans le cadre d’un débat  qu’Ecolo pourrait imaginer d’organiser un jour sur les enjeux institutionnels et donc démocratiques :

  1. La question classique de savoir comment re-configurer les institutions démocratiques belges pour que la flamme citoyenne y soit toujours brûlante – sur ce plan, il faut lire et relire les liens que Pierre Rosanvallon[11] fait entre égalité sociale et égalité politique, pour comprendre comment le manque de participation politique fait système avec l’aggravation et l’acceptation des inégalités économiques -. En Belgique, cette discussion est monopolisée par les partis et encore, par certains de leurs spécialistes, familièrement baptisés « plombiers » parce que les institutions sont considérées comme de la « tuyauterie » sans guère d’intérêt. Ce qui n’est pas du tout républicain. Les citoyens et notamment les citoyens francophones belges s’en sont traditionnellement désintéressés, sauf à certains moments historiques – par exemple lors du pétitionnement wallon où le Mouvement Populaire Wallon (MPW) fut vraiment un mouvement populaire capable de mobiliser des centaines de milliers de personnes après la fixation de la frontière linguistique en 1962 –  ou plus récemment à l’occasion du G 1000 lorsque les partis semblaient incapables de régler la crise communautaire. Les Belges seraient-ils seulement républicains en période de crise institutionnelle grave ?
  2. La question du fédéralisme, qui doit être reprise à l’aune de l’enjeu écologique. Il faut nous redemander de quelles institutions – et notamment de quel Etat – avons-nous besoin pour assurer la transition écologique le plus efficacement, c’est-à-dire le plus démocratiquement possible, avec davantage de participation, en renforçant la résilience, la prise de conscience de notre vulnérabilité et enfin en garantissant la mobilité sociale et politique.

Sur ces deux questions, l’’avantage du républicanisme vert est peut-être de reconnecter une lecture de la situation contemporaine à une tradition politique vieille de plus de 2000 ans et de le faire en proposant un cadre théorique qui permet d’intégrer la préoccupation écologique au cœur de la réflexion politique et institutionnelle.

Bibliographie


[1] FRANKLAND E. G., LUCARDIE P. and RIHOUX B. (Eds) , Green Green Parties in Transition, The End of Grass-roots democracy ?, Ashgate, 2008.
[2] GORZ A. L’écologie politique entre expertocratie et autolimitation. Téléchargeable sur https://collectiflieuxcommuns.fr/spip/spip.php?article264
[3] Le sociologue français Alain Caillé a livré récemment une variante encore plus éclairante du couple radical-démocratie/écologie. Repartant de la question  – initialement posée aux sociétés humaines – de savoir « comment s’opposer sans se massacrer », il propose une conception de la démocratie comme un objectif en soi et pas comme un moyen en vue d’une fin, par exemple assurer la paix entre les hommes par la croissance. Son « convivialisme » qui devrait apporter des bases solides pour une théorie politique de l’après néo-libéralisme et de l’après productivisme a, de son propre aveu, des échos très républicains comme, notamment, la prise en compte de la dimension agonistique (conflictuelle) de la politique. Il y sans doute une tradition républicaine qui se poursuit dans le Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales (MAUSS) et dont les racines plongent notamment dans l’œuvre de l’anthropologue Marcel Mauss. Voir CAILLE A. Pour un manifeste du convivialisme,  Le Bord de l’eau, 2011.
[4] BOURG D. & WHITESIDE K.Vers une démocratie écologique,  La République des idées, Paris, 2010.
[5] ECKERSLEY R. The Green State: Rethinking Democracy and Sovereignty. Cambridge, MA, MIT Press, 2004.
[6] BARRY J, The politics of actually existing unsustainability: Human Flourishing in a Climate-Changed, Carbon Constrained World, Oxford University Press, February 2012.
[7] WEBER M.,  Le métier et la vocation d’homme politique (Politik als Beruf), in Le Savant et le politique, Union générale d’éditions, 1963. Traduction de Julien FREUND. Préface de Raymond ARON.
[8]BLUHDORN, I. and WELSH I., The Politics of Unsustainability: Eco-Politics in the Post-Ecologist Era. London/New York, Routledge, 2008.
[9] PETTIT P. Républicanisme. Une théorie de la liberté et du gouvernement, Gallimard (2004) Je n’évoque pas ici, ce n’est pas le sujet, l’écho particulier que le mot « républicain » fait entendre en Irlande.
[10]Un républicanisme vert doit absolument soutenir la mobilité sociale et ne pas la rejeter au nom d’un soit-disant refus de l’individualisme libéral. Des  collectivités locales très résilientes – disposant d’importantes capacités d’entraide en cas de coups durs – ne doivent pas (re-)devenir des lieux fermés. Comme Tocqueville l’expliquait déjà au XIXème siècle, sans possibilité de « changer de société » et de « condition sociale » pas de société réellement démocratique et donc pas de République… De toutes les manières, la subjectivité contemporaine semble difficilement compatible avec une telle idée d’enfermement, même si l’époque est aussi marquée par des phénomènes de ghettoisation en tous genres, de Lasne à Molenbeek ou de Neuilly à Villejuif.
[11]ROSANVALLON P.  La Société des égaux, Paris, Seuil, « Les Livres du nouveau monde », 2011.