Edouard Gaudot et Benjamin Joyeux nous offrent une réflexion sur l’Union européenne, son passé, présent et un futur souhaitable. Ecrit à la veille des élections de mai 2014, cet essai vise à enrichir le débat public souvent outrancièrement simplifié et dominé en France comme dans beaucoup d’autres pays européens par les pensées souverainistes et populistes.

Le résultat des élections européennes n’a fait que confirmer ce que toutes les enquêtes d’opinion indiquent depuis longtemps : des opinions très divisées et désenchantées à propos de la politique en général, et la montée en puissance de courants de repli national pour le dire simplement. C’est pourquoi la lecture de ce texte s’impose d’autant plus car nos auteurs (anticipant sans doute les résultats électoraux) nous invitent à nous projeter au-delà du présent et surtout à ne pas désespérer.

« L’Europe, c’est nous », le titre résume bien le message essentiel du livre : il n’y a pas de fatalité; des alternatives aux choix politiques actuels sont possibles et cela passe notamment par la formation de mobilisations citoyennes autour d’objectifs partagés et définis à l’heure de la mondialisation des sociétés et des limites de notre planète.!Nos auteurs s’inscrivent ainsi dans un courant de pensée et d’action que l’on peut qualifier de pro-européen critique, comme le sont en particulier les partis écologistes. Pro-européen, en opposition aux courants souverainistes de droite comme de gauche, et résolument critique parce qu’ils sont opposés aux orientations politiques actuelles adoptées par tous les gouvernements nationaux en Europe qui ont pour effet de renforcer ce qu’ils nomment « le triple déficit européen : déficit de légitimité, de finalité et de solidarité » (pg 48).

Ce diagnostic les conduit à une lourde inquiétude : « nous sommes inquiets que la critique légitime et partagée des politiques européennes vienne remettre en cause l’idée d’Europe elle-même » (pg 18) La conséquence de ce diagnostic est qu’il faut remettre sur le métier la question : pourquoi l’Union européenne aujourd’hui ? La poser ouvertement, en débattre le plus possible et convaincre le plus largement de la nécessité de poursuivre cette expérience historique de 60 ans en la transformant. A la lecture des 135 pages qui composent cet essai, on serait tenté de dire qu’il y’a deux types distincts d’argumentation qui sont proposés par Edouard Gaudot et Benjamin Joyeux.

Le premier type d’arguments est assez largement répandu : compte tenu de la mondialisation de nos sociétés et des limites écologiques de notre planète, l’action collective ne peut pas se restreindre aux espaces nationaux, chacun pour soi. Mais pour que « l’Europe » (plus précisément : les politiques publiques menées dans le cadre institutionnel et juridique de l’Union européenne) soit véritablement utile pour relever ces défis, il faut qu’elle change de modèle politique et qu’elle passe d’un régime de concurrence entre Etats à un régime de coopération et de solidarité entre Etats, fondé sur la définition d’intérêts communs, négociés et acceptés par ses membres. Les auteurs évoquent différents exemples; aujourd’hui, cinq mois après les élections, c’est sans doute et toujours la question de la politique économique et sociale qui est au coeur de la controverse à laquelle vient s’ajouter celle d’une politique extérieure commune.

Il est un deuxième type d’arguments qui partant de la même question : pourquoi l’Union européenne aujourd’hui ?, y répond par une autre voie : celle d’une mise en perspective historique des raisons de faire l’Europe; et qui souligne qu’à cette question posée finalement dès l’origine de la construction européenne après 1945, les réponses ont varié au cours du temps, se sont empilées et se chevauchent de « l’Europe nécessaire » à « l’Europe subie » en passant par « l’Europe rêvée ». Nos auteurs nous invitent à considérer « l’Europe réelle », c’est-à-dire d’une réalité quotidienne qui est aussi constituée d’échanges, de réseaux, de mobilité, d’apprentissage des cultures. Bref, l’Europe existe, unie et diverse, il faut continuer à y travailler pour la transformer comme elle nous transformera. Ambition et pari de jeunes générations  d’européens qui refusent les frontières physiques et mentales comme elles refusent chômage et exclusion.!