On a souvent coutume de dire dans les milieux écologistes que les questions environnementales et les questions sociales sont les deux facettes d’une même médaille ne pouvant être traitées séparément. Dans notre monde actuel, le changement climatique vient ainsi heurter de plein fouet des sociétés d’ores et déjà traversées par de très fortes inégalités. Tant et si bien qu’on parle de plus en plus d’inégalités climatiques, celles-ci devenant l’objet de recherches universitaires spécifiques. Nous avons voulu en savoir plus avec Lucas Chancel, économiste de renommée internationale ayant beaucoup travaillé sur les inégalités climatiques, notamment avec Thomas Piketty. Lucas Chancel est professeur à Science Po Paris et co-directeur du laboratoire sur les inégalités mondiales à l’Ecole d’économie de Paris

Benjamin Joyeux: Nous entendons de plus en plus souvent parler « d’inégalité climatique » , mais comment la définissez-vous et quels en sont les exemples dans la pratique, au sein des sociétés européennes et au niveau mondial ?

Lucas Chancel : En fait je m’intéresse aux inégalités dans le monde en lien avec les questions environnementales : qui pollue ? Qui est touché par la pollution ? Qui peut financer des efforts de décarbonation et comment la transition écologique peut venir se heurter à la question des inégalités ?

Il y a au moins trois types d’inégalités climatiques : D’abord l’inégalité des dommages, inégale exposition aux dégâts du changement climatique. Nous ne sommes pas individuellement touchés de la même manière, de même que les pays ne le sont pas, certains ayant des niveaux de réchauffement plus importants que d’autres. Typiquement, pour des pays qui sont déjà très chauds, un degré de plus ce n’est pas la même chose que ceux qui ont un climat beaucoup plus modéré. Et à l’intérieur de chaque pays, on remarque un gradient important entre le niveau de vie, de revenu et de patrimoine et la vulnérabilité aux chocs climatiques.

Ensuite l’inégalité des contributions : là on voit une différence très nette entre pays riches et pays pauvres ainsi qu’à l’intérieur de chaque pays. Il y a des gros pollueurs dans les pays riches et des pollueurs nettement moins importants, et inversement dans les pays pauvres on trouve aussi de très gros pollueurs qui aiment souvent se cacher derrière la multitude. On observe notamment cela parmi les élites du monde émergent.

Enfin la troisième inégalité est celle des capacités d’action : nous n’avons pas tous les mêmes capacités pour agir sur la transition : pour changer de voiture, rénover son logement, protéger sa maison de la sécheresse ou des inondations, etc. C’est un type d’inégalité extrêmement important. Pour donner des ordres de grandeur, au niveau mondial, sur ces trois formes d’inégalités, ce que nous démontrons dans notre dernier Rapport sur les inégalités climatiques, avec mes collègues Philippe Both et Tancrède Voituriez, c’est que la moitié du monde la moins émettrice, peu ou prou les plus modestes, est responsable de seulement 12% des émissions totales. Pour autant, elle va faire face à 75% des dégâts du changement climatique quand on mesure ces derniers avec l’indicateur de perte de revenu relative. Là où il y a une asymétrie flagrante, c’est également au regard des capacités d’agir. Celles-ci se mesurent par la capacité de financement basée sur le patrimoine des individus. Là on sait que le monde est très inégal, ce n’est une surprise pour personne. Mais dans des niveaux extrêmement frappants : les 50% les plus pauvres du monde possèdent moins de 3% de tout ce qu’il y a à posséder. Avec ces trois dimensions des inégalités climatiques mondiales, émissions, exposition aux chocs climatiques et capacité d’action, on se représente parfaitement les immenses tensions du monde actuel. Ceux qui sont le plus touchés sont ceux qui polluent le moins et possèdent le moins de capacité d’agir sur le problème.

De quelle manière les impacts du changement climatique vont aggraver les inégalités que l’on observe déjà au sein de nos sociétés ?

On peut rappeler que les impacts du changement climatique ont déjà aggravé les inégalités mondiales entre pays. On est déjà à 1,3° C de plus par rapport au niveau pré-industriel, et les pays tropicaux et subtropicaux ont été davantage touchés que les autres. Les pays plus pauvres ont déjà pâti de la hausse des températures. Aujourd’hui ils auraient plus de ressources économiques s’il n’y avait pas eu le changement climatique. Maintenant au sein même des sociétés, le changement climatique constitue un choc, des vagues de chaleur, des inondations, des entreprises qui doivent fermer et se relocaliser, etc. Ces chocs sont davantage néfastes pour les plus modestes, qui n’ont pas de coussin de sécurité pour rebondir. Dans tout un tas de pays pauvres, les 40% les plus pauvres sont touchés de l’ordre de 70% plus fort que la moyenne de la population face au choc climatique. C’est un fait établi assez marquant. On l’observe également dans les pays riches. L’exemple célèbre est celui de l’ouragan Katrina aux Etats-Unis, où on voit bien que, même dans un pays riche, les catastrophes environnementales ne vont pas heurter de la même manière les différentes catégories de la population.

Il y a l’inégale exposition aux risques : par exemple vous allez avoir des quartiers plus proches des zones inondables et d’autres situés sur des collines. Et la plupart du temps les quartiers les moins inondables sont souvent les plus anciens et les plus huppés. Ce n’est pas systématique et il faut bien garder en tête que tout le monde peut être touché. Mais il y a une tendance à ce que ces chocs touchent davantage les plus modestes. Si on étire le prisme d’analyse au-delà de la seule question climatique, on observe beaucoup plus de zones à bas revenus, de zones urbaines sensibles proches de zones industrielles ou à risque chimique comme les zones Seveso.

Mais il y a également l’inégale vulnérabilité face aux risques : non seulement vous êtes plus exposés, mais vous avez par exemple un logement construit dans un matériel moins solide. C’est aussi le fait que vous n’avez pas de patrimoine. L’une des grandes inégalités fondamentales de nos sociétés contemporaines, que ce soit en France, en Ouganda ou aux Etats-Unis, c’est qu’environ la moitié de la population ne possède pas de patrimoine, donc aucun coussin de sécurité financier pour rebondir suite à un choc. Le changement climatique, c’est la multiplication de ces chocs (sécheresses, inondations, feux de forêts…) qui viennent heurter des sociétés déjà inégalitaires et exacerber ces inégalités.

Mais tout n’est pas écrit d’avance et on dispose des moyens de casser ces différents vecteurs de propagation des inégalités. Il y a quelque chose de fantastique, c’est la protection sociale. Aux Etats-Unis, on a une protection sociale défaillante et plein de familles laissées à elles-mêmes. Avec un système de protection sociale fort, et des assurances gérées par la puissance publique pour que tout le monde soit couvert, vous pouvez casser ces canaux de propagation des inégalités. Malheureusement on observe surtout un défaut de protection sociale dans de nombreux pays pauvres. C’est vraiment un des enjeux de notre époque : comment est-ce qu’on augmente le niveau de protection sociale dans les pays riches, comment est-ce qu’on la crée dans les pays moins riches en prenant en compte ces nouveaux risques environnementaux qui n’étaient pas à l’agenda des créateurs de la Sécurité sociale à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale ?

Sauf que les limites de la croissance, le vieillissement des populations et l’évolution de l’économie mondiale sont autant de facteurs qui menacent la viabilité économique des systèmes d’État-providence, en Europe comme ailleurs. Comment la nature des prestations sociales doit être étendue et développée pour atténuer les risques environnementaux en même temps que la pauvreté ?

Rappelons d’abord une chose essentielle : du point de vue de la richesse économique, nos pays n’ont jamais été aussi riches qu’aujourd’hui. La France n’a jamais été aussi riche avec un tel niveau de patrimoine. La richesse n’a jamais été aussi élevée aux Etats-Unis. Simplement il y a un vrai problème de répartition. Pour commencer entre la richesse accaparée par le secteur privé et celle possédée collectivement soit par l’Etat, soit par les collectivités locales, soit par des organismes non lucratifs. Il y a un vrai sujet non pas sur le niveau total de la richesse mais sur qui la possède. Déjà pour relativiser le fait qu’on ne pourrait plus rien financer. On dispose de marges de manœuvre phénoménales. On peut aller chercher des ressources et de nouvelles recettes notamment dans le patrimoine, dans le capital très largement sous-taxé au regard de son poids économique et de sa progression au cours des dernières décennies.

Maintenant, c’est vrai qu’il y a des enjeux fondamentaux concernant la limite de la croissance et le vieillissement des populations. Les systèmes de protection sociale créés à la fin de la Seconde Guerre Mondiale sont précisément créés dans un monde où la croissance est très forte : croissance de rattrapage, croissance de reconstruction, les Trente Glorieuses et la croissance démographique avec le baby-boom qui aujourd’hui se transforme en papy-boom. Comment est-ce qu’on fait pour adapter des mécanismes de solidarité créés dans un monde de croissance forte à un monde de croissance faible, voire un monde de décroissance ? Il y a une difficulté car le mode de financement de la protection sociale dans un pays comme la France, comme de nombreux autres mécanismes, est directement connecté à la croissance du PIB. L’enjeu est de travailler sur plusieurs axes : premièrement, avoir des mécanismes de financement moins dépendants de la croissance du PIB. Typiquement, si on redistribue davantage les patrimoines et qu’on taxe davantage les stocks de richesse (patrimoine) que les flux (PIB), on déconnecte les canaux de financement de la protection sociale de la croissance du PIB en allant chercher davantage de financements dans les plus grandes fortunes et leur transmission par l’héritage.

Deuxièmement, il faut s’intéresser à tous les coûts induits et mal pris en compte des dégradations environnementales, qui pourraient être réduits si on améliorait notre environnement. Aujourd’hui une grande partie des maladies chroniques sont liées à des facteurs environnementaux. Par conséquent, les améliorations de notre environnement doivent faire partie de notre manière de penser un cadre systémique pour la protection sociale. La prévention et l’amélioration de notre environnement devraient faire partie de façon bien plus intégrantes de nos politiques de santé, permettant alors de réduire la pression sur les besoins de financement.

Comment est-ce qu’on fait pour adapter des mécanismes de solidarité créés dans un monde de croissance forte à un monde de croissance faible, voire un monde de décroissance ?

Troisièmement, le coût réel des dégâts environnementaux est très largement sous-estimé. En le prenant davantage en compte, on réduirait d’autant le coût de l’action environnementale. Ce qui coûte très cher, c’est l’inaction des politiques publiques. Un seul exemple, les subventions versées aux énergies fossiles, plusieurs centaines de milliards d’euros par an. Le coût pour les systèmes de santé est énorme en maladies respiratoires, en maladies cardio-vasculaires… Non seulement on dépense des centaines de milliards pour les énergies fossiles mais viennent s’y ajouter les centaines de milliards pour la santé. Si on arrête de subventionner ces énergies fossiles, on dégage des marges de manœuvre de l’ordre de plusieurs centaines de milliards par an.

Est-ce que les inégalités climatiques peuvent expliquer certains des conflits environnementaux qui apparaissent en Europe (par exemple l’utilisation de l’eau et des terres liée à l’agriculture et à la transition, observée aux Pays-Bas, en France avec les méga-bassines, et dans le sud de l’Espagne) ?

Ces conflits sont des cas particuliers de luttes environnementales et d’inégalités d’accès à la prise de décision. Cela semble surtout refléter les intérêts d’acteurs puissants ayant la capacité d’accéder à la prise de décision. Nous sommes là dans des inégalités environnementales telles que parfaitement décrites par le chercheur Joan Martinez Alier qui a cartographié ces luttes environnementales et démontré qu’il existe une sorte d’Internationale de ces luttes : on retrouve des tensions de ce genre en France et en Europe, mais également contre des barrages en Amazonie, contre des mines en Afrique, etc. On est toujours face à cette dialectique de pouvoirs publics qui justifient certaines décisions par une métrique économique face à des militant.e.s mettant en avant d’autres formes de légitimité, comme la protection de la biodiversité ou le respect d’un processus démocratique plus large. Il y a également tout l’enjeu de la procédure dans le cadre de la transition écologique qui demande non pas moins de démocratie au nom de l’urgence, mais plus de démocratie, car on perd énormément de temps par des décisions prises en petit comité et qui souvent ne font que reproduire la défense des intérêts établis.

L’un des principaux outils du Green Deal européen est le système de tarification du carbone, qui sera étendu au logement et au transport dans les années à venir. Il semble être efficace mais aussi assez régressif. Faut-il tenter de régler le problème du climat par ces solutions de marché ? Le risque d’une réaction brutale qui s’accélère n’appelle-t-il pas une autre approche ?

En soit, la tarification du carbone peut être un outil. Mais les experts du sujet répètent la même chose depuis 20 ans : s’il n’y a pas de réforme sociale associée à la réforme de la tarification, alors tous les ingrédients sont réunis pour que ça explose. Dans un monde où il y a déjà des tensions, des sociétés fragmentées, des individus qui ont du mal à se déplacer parce qu’ils n’ont pas de transports publics et n’ont absolument pas les moyens de s’acheter une voiture électrique, l’extension de la tarification aux transports individuels peut être extrêmement dévastatrices du point de vue social. C’est exactement ce qui s’est passé en France en 2018 avec les Gilets Jaunes. En effet, le principal problème des politiques de tarification est leur aveuglement face à la question sociale. Le Green New Deal est censé avoir pensé aux ménages modestes – sauf que les sommes en jeu pour opérer une redistribution et un soutien à ces derniers ne sont à mon sens clairement pas suffisantes pour se prémunir de mouvements de type Gilets Jaunes bis.

Et sur la tarification, il faut voir également quelle est la fin et quels sont les moyens. La tarification est un moyen qui vise une fin, la baisse du CO2. Mais il y a une fin intermédiaire qui est d’augmenter l’écart des prix entre les services et les biens non polluants et les services et les biens qui polluent, pour faire se déplacer les consommateurs vers les biens et services moins polluants. La condition, c’est qu’il faut qu’il existe des biens et des services moins polluants disponibles. S’il n’y a pas d’alternative, le bilan pour le climat est nul, et celui de du pouvoir d’achat est très mauvais. Ce qu’on oublie souvent, c’est qu’il y a une autre manière de réduire l’écart des prix entre ce qui pollue et ce qui ne pollue pas, en subventionnant ce qui ne pollue pas au lieu de taxer ce qui pollue. C’est encore mieux de faire les deux en même temps ! Ce que les Américains font dans leur Green Deal, l’Inflation reduction Act, c’est essentiellement de subventionner ce qui ne pollue pas. Pour eux, la taxe carbone est un épouvantail et ils préfèrent avancer en subventionnant massivement ce qui ne pollue pas. Il y a par exemple tout ce pan de l’industrie automobile américaine qui a bénéficié de subventions pour la voiture électrique et pour la production d’énergie bas carbone. Dans l’idéal il faudrait faire les deux, le « bâton et la carotte », le problème du bâton étant la question sociale et donc le versement nécessaire d’aides plus fortes aux ménages les plus modestes. Les Européens devraient également à mon sens mettre le paquet sur ce qui ne pollue pas.

Si on oriente les taxes sur la consommation ostentatoire de carbone par individu, en ciblant les plus riches, par exemple avec cette idée qui grandit en France d’interdire les jets privés, est-ce que ça vous paraît être une bonne solution ou relever plutôt du gadget ?

Ce n’est pas juste un gadget, car d’abord toutes les tonnes de CO2 supplémentaires comptent. Et un voyage en jet, c’est davantage de tonnes pour un voyage de quelques dizaines de minutes que pour les déplacements domicile-travail d’un Français pendant un an. Mais l’argument le plus important est celui de l’exemplarité. On entre dans une phase où chacun va devoir faire des efforts considérables pour transformer son mode de vie. Comment peut-on raisonnablement penser que les classes moyennes et populaires vont opérer ces efforts si les plus riches tout en haut de l’échelle sociale continuent à polluer en quelques minutes l’équivalent d’un an d’émissions de la classe moyenne ? Historiquement, quand les responsables politiques ont demandé des efforts considérables à leur population, ils en ont demandé beaucoup aux plus aisés. Par exemple Roosevelt en 1942 devant le Congrès demandant aux américains d’immenses sacrifices, expliquait alors que les revenus des plus aisés ne devaient pas pouvoir dépasser une certaine limite. C’est une question de cohésion sociale et de contrat social derrière. Or un nouveau contrat social dans le cadre de la transition doit demander aux « gros » de faire de gros efforts. Sur la question de l’aérien, on a une loi depuis deux ans qui dit que si vous avez une alternative en train de moins de 2h30, les compagnies aériennes ne peuvent plus vendre ce type de billet. Or les jets ne sont pas inclus dans le dispositif. Il y a donc un trou dans la raquette constituant un trou dans la cohésion sociale.

Est-ce que ce ne serait pas le rôle de l‘UE de légiférer sur ce sujet ?

Dans un monde où les enjeux sont globaux, l’échelle la plus pertinente est toujours la plus large possible, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas commencer au niveau national. Et c’est souvent ça le problème. On a trop entendu l’excuse de l’échelon supranational pour justifier l’inaction. Il faut que les Etats membres se coordonnent au niveau européen mais il faut qu’ils commencent à agir. On l’a très bien vu sur la question de la taxation des super profits où, contrairement à ce que raconte le gouvernement français, on a obtenu un accord européen parce que des pays moins hypocrites que la France ont mis en œuvre des mesures de manière unilatérale. Et c’est sur cette base qu’on a ensuite construit un consensus politique européen.

Ce sont souvent les villes et les régions qui s’occupent des impacts climatiques. Le niveau national s’occupe de la fiscalité, de la redistribution et de la sécurité sociale. Le niveau européen encadre désormais la transition écologique avec son Green Deal et ses politiques associées. Tout cela s’inscrit dans le cadre des politiques internationales et, bien sûr, de notre système planétaire. Quel est l’échelon qui vous paraît le plus pertinent pour lutter efficacement contre les inégalités climatiques ?

Il faut cibler tous les niveaux, c’est cela qui est fascinant et vertigineux dans cette transition. Tous les niveaux sont interconnectés. Il faut partir du local pour aller vers le national, le fédéral puis le multinational. Il ne faut surtout pas utiliser les lenteurs et les frustrations que l’on peut avoir à certain niveau pour justifier l’inaction à d’autres niveaux. Sur les inégalités climatiques, si on regarde la question des dommage et de l’exposition aux risques, il y a tout ce qui peut être fait au niveau local, avec les plans locaux d’urbanisme et comment est-ce qu’on réorganise notre territoire pour réduire ces risques à travers des politiques publiques qui, là ne vont pas cibler les plus pauvres mais qui vont être bénéfiques aux plus modestes. La végétalisation des villes, la transformation des systèmes agricoles… vont bénéficier davantage à celles et ceux qui seraient les premiers touchés par d’immenses vagues de chaleur, par l’inflation des denrées alimentaires à cause de sécheresses, etc. On peut travailler là-dessus au niveau local, départemental et régional.

L’échelon national est pertinent pour fabriquer des lois et y mettre les moyens financiers et l’échelon européen a son rôle à jouer pour mutualiser les risques. Il faut penser à l’échelle de grands espaces pour partager l’énergie : si vous n’avez plus assez de lumière, ou de vent pour faire tourner vos éoliennes par exemple, il faut partager ça avec d’autres territoires. Mais également pour pouvoir rebondir face à un choc comme un ouragan sur un territoire spécifique, en partageant avec d’autres les coûts. La question assurantielle fonctionne d’autant mieux que le pool d’assurés est grand et que le territoire qui assure l’est également : ça on va le faire à l’échelon national, comme la sécurité sociale.

Et il faut qu’on se dirige rapidement vers un Etat social européen qui va permettre de mutualiser encore davantage les risques. Pour créer un état social européen, il faut créer des ressources fiscales européennes. Il y a une émergence de cela, mais on est encore loin du fameux moment hamiltonien[4] du fédéralisme américain. On a un budget européen de l’ordre de 2% du PIB, ce qui n’est rien comparé par exemple au budget français de l’ordre de 45 à 50 % du PIB. Il y a tout un travail à mener pour fédéraliser les ressources et les dépenses qui vont permettre de lutter contre les inégalités environnementales demain. »