Si nous voulons que le secteur européen des transports puisse soutenir une Europe verte en 2049, force lui sera de subir une transformation. Certaines solutions aux problèmes écologiques les plus urgents causés par les transports se dessinent, mais n’iront pas sans générer leurs difficultés propres. Ian Skinner, Huib van Essen et Anouk van Grinsven, trois experts en mobilité durable, analysent les opportunités et les dilemmes de nos modes de vie et de transport, et nous expliquent comment les décideurs politiques peuvent y répondre au mieux.

En 2049, selon toute probabilité, les transports joueront dans nos vies un rôle aussi important qu’aujourd’hui. Une Europe verte n’est donc guère envisageable sans un système de transport « vert », qui ira de pair avec elle. En l’état, sur un plan purement écologique, les transports posent problème : le secteur est émetteur de gaz à effet de serre (GES), contribue à la mauvaise qualité de l’air et à la pollution sonore, et dégrade les habitats et la faune sauvages. Plus largement, les transports ont un impact négatif sur la santé humaine, notamment en raison des accidents, tandis que l’encombrement des voies de circulation dans les villes réduit la qualité de vie. 

En 2049, selon toute probabilité, les transports joueront dans nos vies un rôle aussi important qu’aujourd’hui. Une Europe verte n’est donc guère envisageable sans un système de transport « vert », qui ira de pair avec elle. En l’état, sur un plan purement écologique , les transports posent problème : le secteur est émetteur de gaz à effet de serre (GES), contribue à la mauvaise qualité de l’air et à la pollution sonore, et dégrade les habitats et la faune sauvages. Plus largement, les transports ont un impact négatif sur la santé humaine, notamment en raison des accidents, tandis que l’encombrement des voies de circulation dans les villes réduit la qualité de vie. 

L’ampleur du défi

Les problèmes écologiques causés aujourd’hui par les transports sont significatifs. En matière d’émissions de GES et de changement climatique, les transports sont le secteur posant les difficultés les plus épineuses. Si le secteur de l’électricité de l’UE reste à ce jour le premier émetteur de GES, ses émissions sont désormais en net recul. Les émissions du secteur des transports, quant à elles, sont reparties à la hausse après une légère diminution causée par la crise financière de la fin des années 2000. Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), les émissions de GES dues aux transports représentent actuellement 27 % du total annuel de l’UE, en incluant les émissions – en hausse – de l’aviation et du transport maritime. 

Dans les villes, la mauvaise qualité de l’air et les niveaux sonores excessifs sont également imputables en grande partie aux transports. L’AEE estime que près de 3 % de la population de l’UE (l’équivalent de la population combinée de la Slovaquie et de la République tchèque) sont exposés à des niveaux de pollution atmosphérique dépassant les limites légales imposées par l’UE concernant le dioxyde d’azote, les particules en suspension et les particules fines (PM10 et PM2,5 respectivement). Une proportion beaucoup plus élevée de la population est exposée à des seuils de PM10 et de PM2,5 dépassant les lignes directrices beaucoup plus strictes de l’Organisation mondiale de la santé – soit 43 % et 84 %, respectivement. L’Agence estime par ailleurs que cent millions de personnes, dans ses pays membres, soit plus que la population combinée de l’Allemagne et des Pays-Bas, sont exposées à des niveaux sonores dus au transport routier qui sont potentiellement nocifs pour la santé humaine.

Une Europe verte n’est guère envisageable sans un système de transport « vert », qui ira de pair avec elle.

La nature n’est pas à l’abri des effets des transports. La pollution de l’air peut avoir des effets négatifs sur la croissance des cultures et d’autres végétaux. Les polluants rejetés par les transports pénètrent dans les sols et les cours d’eau, et les niveaux sonores excessifs peuvent dégrader la faune sauvage. À cela s’ajoute les animaux tués par les transports ; entre 6000 et 8000 grands mammifères sont tués chaque année sur les routes des Pays-Bas. La nature fournit des « services écosystémiques » : elle renouvelle l’oxygène dans l’air, séquestre le carbone, fournit de l’eau, régénère les sols – autant de services qui doivent être protégés et améliorés. Enfin, le secteur des transports utilise également des ressources – pour le carburant ainsi que pour la construction et l’entretien des infrastructures et des véhicules – et génère des déchets. 

S’il veut être en mesure de soutenir une Europe verte en 2049, le système de transport devra être à zéro (ou proche de zéro) en termes d’émissions de GES, de polluants atmosphériques et de bruit ; il devra également faire partie intégrante d’une économie circulaire qui minimise l’utilisation des ressources et les déchets. Le développement des infrastructures de transport ne devrait pas se traduire par des pertes nettes d’habitats et leur utilisation devrait avoir un impact minimal sur la faune sauvage et sur les services fournis par la nature. 

Au-delà de ses impacts écologiques, un secteur des transports durable devrait être plus sûr. Chaque année, quelque 26.000 personnes – l’équivalent de 300 bus londoniens à deux étages remplis – perdent la vie sur les routes de l’UE. Les infrastructures de transport doivent également être utilisées efficacement pour rendre les villes plus vivables. Les voitures, en particulier lorsqu’il n’y a qu’un seul occupant, accaparent beaucoup plus d’espace urbain que les autres formes de transport. Un système de transport durable devrait aussi être conçu de façon à garantir à tous – au-delà du genre, de l’âge, du groupe ethnique ou de la condition physique – un accès juste et équitable aux opportunités économiques et sociales offertes par les transports.

Des solutions en émergence

L’électrification semble la réponse toute trouvée à bon nombre de problèmes de transport. Si tous les véhicules étaient électrifiés, le secteur n’émettrait plus du tout d’émissions directes de gaz à effet de serre ou de polluants atmosphériques. Les transports seraient également plus silencieux, étant donné que les véhicules électriques produisent beaucoup moins de bruit que les véhicules équipés de moteurs à combustion interne.

Le recours accru à l’automatisation offre des bénéfices potentiels en matière de sécurité. Le transport routier avec un niveau élevé d’automatisation, pour ne pas dire sans conducteur, pourrait éliminer les erreurs de conduite humaines et réduire le nombre d’accidents impliquant d’autres usagers et la faune sauvage. Un système intégralement automatisé pourrait aussi être conçu de manière à maximiser l’utilisation efficiente des infrastructures, ce qui réduirait les encombrements de la circulation.

La mobilité partagée pourrait accroître l’efficience, également à travers la réduction de la consommation de ressources et de déchets produits. Si les véhicules étaient conçus pour une utilisation partagée plutôt que pour la consommation privée, il serait possible de les concevoir différemment et leur durée de vie serait plus longue. Des systèmes partagés et automatisés, avec des véhicules de plus petite taille, pourraient compléter les transports publics traditionnels, en particulier dans les zones suburbaines et rurales et pour les personnes rencontrant des problèmes de mobilité, afin d’améliorer l’accessibilité et les opportunités. Il serait nécessaire d’avoir moins de véhicules privés, ce qui libérerait des emplacements de stationnement.

La vision pour 2049

Il est donc possible d’imaginer pour 2049 un système de transport où différents types de véhicules opérant au sein d’un système de transport électrifié, automatisé, partagé et collectif, répondraient à l’ensemble des besoins de la société en matière d’accessibilité et de mobilité. Le système guidera les citoyens afin qu’ils utilisent le véhicule adéquat pour chaque (partie de) trajet. Dans les villes, les transports publics, le vélo et la marche seront les principaux modes de déplacement. Les zones urbaines de toutes tailles seront conçues pour améliorer la viabilité et pour faciliter l’accès aux possibilités éducatives, économiques et de loisirs.

Des transports publics fréquents opéreront entre les principales zones urbaines, le premier et le dernier kilomètre étant parcouru à pied, en vélo ou au moyen de transports publics partagés. Les voitures seront encore utilisées, surtout dans les zones rurales, mais elles ne seront plus aussi dominantes et seront souvent utilisées en combinaison avec d’autres modes de transport. À l’extérieur des villes, des vélos électriques offriront une alternative crédible à la voiture pour de nombreux déplacements.

Pour le trafic marchandises à longue distance, le recours au rail et aux voies de navigation intérieure sera maximisé. Concernant le transport de marchandises sur de longues distances, des infrastructures de transbordement  feront le lien entre différents modes de transport au sur un même parcours. L’écoulement des marchandises dans les villes sera effectué par vélo-cargo pour les articles plus petits et plus légers, des camionnettes électriques se chargeant du reste.

Même si la plupart des transports seront alimentés par de l’électricité renouvelables, des carburants liquides pourraient encore être nécessaires à certains types de véhicules et de déplacements, notamment pour le transport de marchandises routier à longue distance et l’aviation. Ces carburants liquides pourraient être des biocarburants sophistiqués – c’est-à-dire des biocarburants véritablement durables et au minimum neutres en carbone – ou des carburants « produits avec de l’électricité », tels que l’hydrogène et d’autres carburants semblables aux combustibles fossiles mais fabriqués à l’aide d’électricité renouvelable. La production de carburants similaires aux combustibles fossiles nécessiterait davantage de carbone et ceux-ci devraient être prélevés directement dans l’atmosphère afin d’être neutres en carbone. Afin d’atteindre des carburants neutres en carbone, il pourrait aussi être nécessaire d’avoir des émissions négatives.

Les défis posés par l’écologisation des transports           

La transition vers un système de transport vert ne se fera pas toute seule – dans tous les cas de figure, elle passera par des politiques appropriées, l’innovation et un niveau d’investissement élevé. L’électrification des transports est en cours, mais n’en est encore qu’à ses premiers jours, tandis que l’automatisation vient à peine de commencer. Les formes de transport partagé les plus courantes – bus, trains et trams sous leur forme existante – sont bien utilisées mais les services partagés novateurs, notamment la voiture, le vélo et le vélomoteur partagés, n’ont encore qu’une petite part du marché. Le véhicule privé et motorisé conserve autrement dit sa domination : la voiture pour le transport de passagers, et le camion ou la camionnette pour le transport des marchandises.

Repenser l’urbanisme en s’assurant que l’espace public se concentre sur les personnes et non sur les voitures est un élément essentiel de la transition. L’investissement peut transformer les zones urbaines pour que les infrastructures donnent la priorité aux transports publics, aux véhicules partagés, aux vélos et aux piétons. L’espace routier doit être réaffecté au détriment du transport motorisé individuel pour faciliter le recours facile et rapide aux alternatives. Les transports et l’utilisation du sol doivent être planifiés en parallèle dans le but de réduire tant la nécessité de se déplacer et que l’étalement urbain. Les transports publics et les connexions cyclables entre différentes zones urbaines nécessiteront également des investissements.

Tant pour les passagers que pour les marchandises, le passage d’une forme de transport à une autre au cours d’un même déplacement devrait pouvoir se faire en douceur afin que l’option la plus verte soit aussi la plus pratique. Le soutien accordé aux infrastructures de transbordement et de correspondance judicieusement placées peut contribuer à atteindre cet objectif, ainsi que des systèmes de planification et de billetterie intégrés. De tels systèmes engloberaient des services tels que le partage de voitures.

Repenser l’urbanisme en s’assurant que l’espace public se concentre sur les personnes et non sur les voitures est un élément essentiel de la transition. 

Les politiques de prix doivent refléter l’accessibilité financière des choix de déplacement verts, sans quoi ils ne seront pas privilégiés. À l’heure actuelle, lorsqu’on prend en compte la totalité des coûts associés à la possession d’une voiture, il est souvent moins coûteux de se déplacer en transports publiques que de parcourir la même distance en voiture. Cependant, dès lors qu’une personne possède une voiture, le coût en carburant de chaque déplacement est généralement moindre que le coût d’un titre de transport public. En d’autres termes, pour les propriétaires de voitures, prendre le volant est souvent l’option la moins chère. Les voitures électriques chargées à domicile ont beaucoup plus de chances d’être moins coûteuses à l’usage que les véhicules à essence ou diesel, dans la mesure où il ne sera sans doute pas politiquement ou socialement faisable de taxer l’électricité domestique en 2049 au même taux que le carburant en 2019. En outre, toujours en 2049, si les voitures sont automatisées en majorité ou en totalité, il sera peut-être moins cher d’envoyer une voiture « tourner » toute la journée ou stationner dans un lieu éloigné que d’utiliser des places de stationnement coûteuses.

En raison de l’augmentation potentielle de la mobilité bon marché, dans son propre véhicule privé, il existe un risque de paralysie du réseau routier ou d’un accroissement de la demande de nouvelles routes. La baisse des recettes issues des accises sur les carburants frappera également les budgets publics. La solution la plus juste et la plus logique pourrait consister à introduire une tarification routière appelée à remplacer les accises sur les carburants, les recettes générées – ou tout du moins une partie – étant utilisées pour améliorer les solutions alternatives.

Au-delà de la planification et de la tarification, il faudrait que le marché des technologies liées aux véhicules à émission zéro puisse progresser. Les politiques de l’UE exigeant des émissions moins élevées des voitures et des camionnettes, et plus récemment des véhicules routiers, vont dans la bonne direction, mais pas assez rapidement. Les politiques menées doivent également faire en sorte que la production d’électricité ne soit pas émettrice de carbone, et que tout carburant liquide destiné aux transports – qu’il s’agisse de biocarburants sophistiqués ou de carburants produits avec de l’électricité – soit produit de façon durable et sans émissions. De toute évidence, l’industrie devra être impliquée pour concrétiser cette ambition et des mesures incitatives aux consommateurs pourront encourager l’achat et l’utilisation de véhicules à émission zéro.

Mise en œuvre d’un système de transport écologique

Au vu de l’ampleur de la transformation à subir par le secteur des transports, il ne faut pas s’attendre à un processus simple et direct. Tout changement fera des gagnants et des perdants, ne fût-ce que parce que certaines technologies actuellement dominantes tomberont de leur piédestal. Même si les investisseurs recherchent la sécurité à long terme, le rythme du changement technologique et la demande des consommateurs sont des données imprévisibles. Les décideurs politiques en sont réduits à gérer cette incertitude et à déterminer la réponse. 

La façon dont les gens recourent aux transports – le véhicule qu’ils conduisent, leurs itinéraires, leurs habitudes – sera également soumise au changement. Certaines personnes pourraient être inquiètes pour leur liberté personnelle. Aux gouvernements de l’admettre et de permettre aux individus de faire l’expérience de nouvelles technologies et de nouveaux services sur des modes laissant de la place à l’expérimentation et à la compréhension. Dans ce contexte, des essais de technologies et de politiques pourraient s’avérer utiles. Avant que la ville de Stockholm n’introduise sa taxe d’encombrement, la mesure n’avait le soutien que d’un tiers des habitants. Mais après en avoir expérimenté ses avantages dans le cadre d’une période d’essai, la majorité des Stockholmois ont voté en sa faveur.

La mise en place d’un système de transport vert exigera de l’engagement, de l’innovation et des investissements. Ses résultats potentiels sont multiples – une meilleure santé, des villes plus attractives, des coûts moindres, un accès plus aisé et un meilleur environnement – et constituent une rupture potentiellement massive pour un mieux en comparaison avec les systèmes de transport actuels.

Cet article se base sur le rapport Green light for sustainable mobility: Vision and pathway to 2050, rédigé par les auteurs à l’attention du groupe Verts/ALE des MPE au Parlement européen.